L'usage du sol
Comment rendre le campus perméable ?
En périphérie immédiate de la ville de Besançon, le campus de la Bouloie est adossé à une rocade de contournement de l’agglomération. Besançon est une ville étudiante. Près de 16 % des habitants sont des étudiants. Ces quelque 25000 étudiants sont répartis dans trois campus disséminés dans la ville : le campus du centre-ville, le campus de la Bouloie et le campus des Hauts-du-Chazal.
Le campus universitaire de la Bouloie et la technopole TEMIS constituent un espace de production plurielle, de connaissances, d’apprentissages, de projets associatifs avec deux pôles dédiés à la production scientifique et technologique, complémentaires mais relativement étanches. C’est également un espace d’hébergement, non productif, mais vital. Le long de la rocade et proches d’une zone industrielle, ces pôles sont séparés de l’hypercentre par un tissu hétérogène : morceaux de faubourgs et poches d’habitat social, équipements sportifs, activités disséminées le long des voies. Le site pose la question d’interactions spatiales et de nouvelles mixités d’usages pour relier des entités mono-fonctionnelles, hybrider des modèles urbains, mixer les formes urbaines et architecturales. Il présente aussi de grandes qualités de paysage (boisements, parcs, dolines et vallons).
La topographie naturelle et des coupures physiques marquent cependant un paysage urbain distendu, morcelé et peu lisible : bâtiments universitaires, résidences étudiantes, entreprises établies sur la technopole, habitations éparses, quartiers en rénovation (Montrapon). Cependant, il est perçu comme symboliquement et physiquement isolé de la ville par les étudiants, chercheurs, employés et habitants, coupé du reste de l’environnement urbain.
Site EUROPAN
Retenu en 2016 pour être l’un des 13 sites du concours Europan avec le thème Villes Productives en s’adressant à toutes les échelles du territoire et parties de la société, de notre culture européenne, la problématique du site de Besançon diffère des autres. Si ailleurs, on interroge la cohabitation avec des activités industrielles génératrices de nuisances, il est question, sur le campus Bouloie-Temis, de formes de productions invisibles ou microscopiques, dissimulées dans des laboratoires sécurisés, de haute valeur ajoutée mais de faible rendement urbain.
Dans la suite du concours Europan sur les Villes productives (2016), l’agglomération bisontine missionne l’équipe lauréate du concours Altitude 35 pour travailler à la transformation du site afin de moderniser bâtiments et espaces extérieurs. Le début de l’année 2019 voit l’élaboration du « plan guide du campus Bouloie-Temis » qui définit 5 orientations pour le Campus : « Parc – attractif et pluriel – piéton et vélo – convivial et solidaire – ouvert sur la ville. » Une première phase de réalisations est en cours sur des places, des parcs et des rues perpendiculaires aux axes urbains.
Objectif et enjeux de L'usage du sol
Dans une approche environnementale forte, les résidents ont travaillé concomitamment avec la communauté universitaire et les riverains du campus à réfléchir aux usages nourriciers du sol. Les terrains délaissés, vastes surfaces engazonnées, entretenus sans objectif, doivent aujourd’hui porter d’autres usages, indispensables à l’homme et à une biodiversité préservée, le foncier recouvrant alors son sens premier. Redonner un usage à la terre implique de reconquérir les parcelles incultes, de leur rendre leur fertilité, retrouver un sol propice à des cultures respectueuses de l’environnement, décloisonner le campus en travaillant sur des franges végétales et perméables, et créer des liens entre les différents acteurs de la ville.
La résidence a travaillé aux questions d’économie circulaire, de développement local, de partage de l’espace et de mixité sociale et d’agriculture urbaine, les interstices enherbés n’ayant d’autre fonction que d’être des lieux de passage ou de détente, mais leurs vastes surfaces incitent à développer d’autres usages possibles, et notamment nourriciers et productifs.
Pour cela plusieurs conditions :
• Ouvrir le campus sur la ville et le rendre attractif en travaillant sur ses franges,
• Retrouver un sol fertile,
• Travailler à une temporalité permettant la culture des espaces sur les 3 saisons favorables,
• Créer des liens entre les différents acteurs de la ville (agriculteurs, étudiants, enseignants, riverains, entreprises, etc.),
• Décloisonner le campus et rendre ses limites perméables.
Comment retrouver la définition originelle du foncier, « le fond de terre ? »
Comment éveiller et mettre en mouvement les usagers sur ce territoire ?
Comment stimuler des réactions et générer des solutions collectivement ?
Comment rendre plus perméable le campus et le transformer en un quartier ouvert sur la ville ?
Comment vivre et étudier sur un campus en chantier ?
Sur la base d’une grande ligne – Ensemble, redonnons sa place au vivant ! – Léna Fauvernier, Virgile Ricart et Manon Dewilde ont mobilisé les partenaires, usagers et riverains à de nombreux ateliers et temps échanges et ont, avec Chloé Truchon, documentariste Radio, créé le podcast « Le jardin des initiatives ». Le rôle de Chloé Truchon a été de garder une trace, de pérenniser les actions menées par les résident.e.s., d’enregistrer leurs réflexions et leurs démarches tout au long du processus. Elle a répertorié leurs trouvailles et rencontres par la création des capsules sonores et une balade sonore pour mettre en valeur le campus.
Les lauréats
Léna Fauvernier / Architecte DE . Urbaniste / Le Bruit de la Conversation
Pendant ses études d’architecture et d’urbanisme, Léna Fauvernier s’interroge fortement sur la fabrique de nos territoires ainsi que la place de l’architecte face aux crises sociétales et environnementales en cours. Amoureuse de la diversité et des usages, elle expérimente alors différentes pratiques du métier. Une expérience professionnelle en Afrique du Sud lui a permis de se confronter à la pénurie d’eau et d’expérimenter la force du groupe, renforçant ainsi ses convictions écologiques et sociales. Désormais, elle cherche à « faire le plus possible avec, le moins possible contre ». Sa pratique vise à amplifier le pouvoir d’agir des habitant.e.s et la (ré)appropriation de leur espace vécu. Elle s’intéresse à la résilience face au changement climatique et explore la notion de « communs » en questionnant la gouvernance et les modes d’habiter alternatifs, thématiques qu’elle a déjà pu développer avec le Bruit de la Conversation. Léna Fauvernier voit le projet comme un prétexte pour faire ensemble tout en sensibilisant les habitant.e.s aux problématiques liées à nos manières d’interagir avec nos territoires. Actuellement enseignante à l’école d’architecture de Toulouse, elle transmet une vision renouvelée, pour elle nécessaire, de la pratique de l’architecture.
Virgile Ricart / Formateur, accompagnateur et concepteur de paysages nourriciers
Homme de grands écarts, Virgile passe une bonne partie de ses études d’ingénieur à Centrale Paris à tenter de comprendre la crise écologique et politique actuelle, ses causes, ses dynamiques et les moyens d’en sortir, et à partager ces réflexions avec son entourage. Sa soif de comprendre le mène à s’intéresser, entre autres, à l’agroécologie et la permaculture en même temps que sa dernière année en filière Biotech. Souhaitant tout de même utiliser les compétences acquises en école d’ingénieur et ayant expérimenté entre-temps des méthodes de participation et d’intelligence collective, il participe à la création d’une association à Toulouse qui tente de rendre les systèmes techniques plus démocratiques grâce aux sciences sociales et à l’éducation populaire. Il tombe finalement définitivement amoureux des arbres et découvre la pièce manquante du puzzle écologique en rencontrant un pionnier français des jardin-forêts, qui va le former avec une dizaine d’autres afin qu’ils puissent à leur tour devenir formateurs. Depuis, il s’est plongé tout entier dans l’étude des vivants et des relations complexes qui les tissent les uns aux autres, et met toute son énergie au service de la promotion et la création d’écosystèmes nourriciers et d’un nouveau rapport au vivant.
Manon Dewilde / Architecte DE / Le Bruit de la Conversation
Ayant longtemps travaillé au sein d’une ONG de coopération au développement dans laquelle elle donnait des formations d’Education à la Citoyenneté et encadrais des projets coopératifs entre la Belgique et l’Afrique de l’Ouest, elle est aujourd’hui particulièrement sensibilisée aux questions d’interculturalité, de discrimination, de mixité sociale, de faire ensemble et de partage de compétences. Aujourd’hui diplômée en architecture, Manon Dewilde souhaite mettre cette sensibilité au service de sa démarche professionnelle pour faire émerger un processus de construction de nos territoires plus juste. Entre participation habitante et réflexion sur les ressources (durables, locales, bio et géo-sourcées, réemployées), l’architecture est devenue pour elle un prétexte pour tisser des liens et apprendre collectivement des savoirs et savoirs faire de chacun.e.
Calendrier
• Lancement : 5 avril 2022 à la Maison des étudiants
• Résidence :
Session 1 du 4 au 9 avril 2022
Session 2 du 20 juin au 3 juillet 2022
Session 3 du 26 septembre au 9 octobre 2022
Session 4 du 21 au 27 novembre 2022
• Restitution : jeudi 24 novembre 2020 à 16h30 pour une balade à la découverte et à 18h pour un temps d’échanges et plein d’idées pour l’avenir !
partenaires
Ce projet est mené par la Maison de l’Architecture de Franche-Comté avec le soutien de la DRAC Bourgogne-Franche-Comté, Grand Besançon Métropole en partenariat avec l’Université de Franche-Comté, le CROUS BFC et l’ENSMM dans le cadre du dispositif 10 Résidences d’architecture en France 2022, porté par le Réseau des Maisons de l’Architecture avec le Conseil national de l’Ordre des architectes et le Ministère de la Culture.