Living Lab Caravane

Comment mieux vieillir à Palente-Orchamps ?

Le quartier Palente-Orchamps est l’un des 14 quartiers de la commune de Besançon située dans le département du Doubs. Ce quartier comptabilise une population d’environ 10000 habitants, soit 9% de la population bisontine. Il est le point d’entrée Est dans la ville. L’étymologie de « Palente » viendrait du terme latin pa(bu)lantem qui signifie terre à fourrages ou à pâture, et qui serait confirmée par le fait que cette zone était autrefois vouée à la culture céréalière.

Le cœur historique de Palente, dit Palente-Village, est constitué principalement d’anciennes habitations à usage de ferme. En 1951, la municipalité fait l’acquisition d’un champ de manœuvre pour construire rapidement des logements sociaux et répondre à la forte poussée démographique de l’après-guerre. La plupart des immeubles élevés à cet endroit, à l’origine prévus pour subsister une trentaine d’années, existent toujours. En 1959, l’entreprise horlogère Lip y construit sur 9 hectares sa nouvelle usine ultra-moderne pour les 1100 ouvriers qui fourniront cette année-là 500000 pièces ainsi que 130000 moteurs électriques et autres objets électromécaniques. Le lycée Pergaud, toujours le plus grand établissement de l’Académie de Besançon, ouvre ses portes en 1964. En 1965, avec la construction du boulevard Léon Blum, le quartier est coupé en deux.

Son histoire est fortement liée à celle de ses habitants, celle de la mémoire ouvrière bisontine et de la grande grève Lip, la plus emblématique de l’après Mai 68. Le rêve et l’utopie y ont été des sujets de vie avec le premier exemple d’autogestion en entreprise et la marche de soutien qui a réuni plus de 100 000 personnes dans la capitale comtoise. Depuis, quartier prioritaire caractérisé par une fragilisation sociale avec un taux d’emploi faible et un nombre d’allocataires du RSA élevé, plus de la moitié de ses habitants est locataire du parc HLM. Le taux de pauvreté est très élevé, la densité médicale est faible pour une population majoritairement de retraités, une proportion supérieure à la moyenne communale.

Dans le cadre de sa compétence de Politique de la Ville et de renouvellement urbain, Grand Besançon Métropole a missionné en 2022 des bureaux d’études pour la réalisation d’une étude socio-urbaine qui vise à proposer des pistes de réflexion sur le devenir de ce quartier à court, moyen et long terme. Parallèlement, des actions se mettent en route : le bailleur social Néolia commence à démolir certains bâtiments des projets de rénovations émergent, un jardin partagé à vu le jour et un Villagénération vient d’ouvrir ses portes.

Une recherche soutenue par l’ANR

En 2022 également débute un projet « Société et territoires en transition » soutenu par l’Agence nationale de la recherche, « Lire la ville : co-conception d’un habitat innovant pour personnes âgées vulnérables – CARAVANE », piloté par Aline Chassagne, docteure en sociologie et anthropologie, maîtresse de conférence au CHU de Besançon.

L’objectif est de concevoir des alternatives en termes d’habitat et de nouvelles modalités d’accompagnement des personnes âgées à domicile, enjeu majeur des politiques du logement. Il s’agit de proposer des scénarios de construction et de réhabilitation de logements, à l’échelle d’une ville de grande taille et de trois îlots urbains situés dans des quartiers différents, dont celui de Palente.

Ce défi, au-delà de la transition démographique, revêt un enjeu éthique, une capacité de résilience afin de répondre au mieux aux souhaits du choix de lieu de vie des personnes âgées quelles que soient leurs situations sociales et économiques tout en proposant une démarche respectueuse de l’environnement. Ce travail pourrait créer un précédent sur ce territoire et être transposable dans d’autres environnements, dans le cadre de projets d’urbanisme et d’architecture à venir.

Ce projet de recherche sur la question du lieu de vie et de son adaptation aux vulnérabilités relatives à l’avancée en âge, nouveau défi urbain et sociétal, s’appuie sur une dynamique interdisciplinaire, sur la complémentarité de méthodes quantitatives et qualitatives et sur une forte participation citoyenne, des personnes âgées, des aidants. La Maison de l’Architecture de Franche-Comté est, avec différents pôles de recherche et laboratoires de l’Université de Franche-Comté et de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, avec Hôp Hop Hop, Néolia et le CHU, partenaire de cette étude en portant une résidence d’architecture.

Objectif et enjeux de Living Lab CARAVANE

Les objectifs de la résidence mise en place par la Maison de l’Architecture de Franche-Comté s’intègrent dans la première étape de recherche du projet CARAVANE.

En écho aux diagnostics, entretiens et cartes sensibles réalisés par les autres membres du groupement de recherche et notamment par le collectif Hôp Hop Hop, le binôme architecte-vidéaste lauréat de la résidence d’Architecture portée par la Maison de l’Architecture de Franche-Comté a questionné la thématique de l’espace commun :
• Espace commun, celui du logement, celui où se croisent les intervenants qui accompagnent la personne âgée à partir d’une certaine dépendance, celui de la cohabitation.
• Espace commun, celui de l’immeuble, du quartier, où les vies, les âges et les usages se mêlent.
• Espace commun, celui sociétal, où la vieillesse appartient au vécu de chacun, la vieillesse, qui est au départ celle de l’autre puis la nôtre.

Le cœur d’intervention des résidents a été de caractériser cette notion de commun par 3 niveaux d’approche :
• À l’échelle du quartier, des espaces seront privilégiés (jardins, squares, parvis…) pour leur aptitude à servir la thématique d’étude. Ils seront caractérisés dans leur dimension architecturale et paysagère mais aussi sociale et structurelle.
• À l’échelle de la rue, les résidents identifieront des lieux : associations, marchés, commerces… ou objets particuliers (mobilier urbain…).
• Enfin, à l’échelle d’un/des bâtiment/s, il s’agira de retenir des pièces, locaux, étages, toits, ou de définir des principes d’utilisation qui pourraient bénéficier à une réflexion sur les communautés de fonctionnement.

Sur la base de ces 3 échelles, Corentin Vaillant et Bastien Bourgeais ont proposé, esquissé, des intentions de projet, portant sur les usages, le fonctionnement, la qualification architecturale et paysagère ou les modes de programmation urbaine, au service du « commun » dans l’espace et dans le temps.

Les projections de leur film « Les Fleurs et les Musiciens » ont permis des moments de débats et d’échanges auprès de la population qui doivent ouvrir le champ des possibles dans un contexte de projet de recherche.

Les lauréats

Bastien Bourgeais Architecte / Médiateur de l’architecture / Programmiste

Originaire du Maine et Loire et diplômé en architecture de l’Ensa Nantes, en février 2022, Bastien Bourgeais oriente sa pratique professionnelle en recherchant la pluridisciplinarité et le contact avec les usagers et usagères. Il intègre, en 2022, le CERUR, pour Centre d’Étude et de Recherche Urbaine et Rurale, bureau d’étude en programmation architecturale et urbaine. Il se forme au métier de programmiste en développant des compétences en montage de projet urbain, écriture de programme et animation d’atelier de conception architecturale et urbaine. Aujourd’hui, convaincu que l’architecture est d’intérêt commun, par les multiples sujets qu’elle aborde, Bastien Bouregais est engagé dans une pratique de l’architecture respectueuse des personnes et de nos environnements offrant la possibilité à tous de s’exprimer, de partager et de vivre leurs expériences.

Corentin Vaillant Réalisateur / Cadreur / Monteur / Photographe / Directeur Artistique / Street artiste

Originaire de Bretagne, Corentin Vaillant est passionné par la musique et particulièrement par le rap. c’est ce qui l’a amené à créer une émission de radio sur Prun’ à Nantes où il invitait des artistes de la scène nationale et internationale. Il y a réalisé ses premières vidéos, crée ensuite le média « Just44hiphop », se forme au cadrage, au montage ainsi qu’à la réalisation. Cela lui permettra de co-réaliser un premier documentaire sur la montée du stade rochelais dans le top 14, tout en réalisant une cinquantaine de clips pour des artistes de l’Ouest de la France. Indépendant depuis 2015, il se consacre avec son collectif « Slasher vision », à la réalisation de clips, documentaires et de publicités, tout en s’occupant de la codirection artistique de festivals tel que Hip opsession (réalisation et photographie des éditions musique et danse). Jeune issu de quartier où sa grand-mère y vit encore, Corentin Vaillant est particulièrement touché par les questions sur la vieillesse au sein de ces zones délaissées.

Calendrier

• Lancement : 6 juin 2023 à l’atelier des résidents, rue Frédéric Chopin
• Résidence : du 30 mai au 30 juin 2024
• Restitution : les 17, 18 et 19 octobre 2024 dans le cadre de la semaine Bleue à à la Villagénération et à la résidence autonomie Les Lilas mais aussi au FJT Les Oiseaux et au festival LIP Les Instants Précieux à l’occasion des 50 ans de l’Affaire LIP

partenaires

• Direction Régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté
• Université Bourgogne-Franche-Comté (Agence nationale de la recherche)
• Ordre des architectes de Bourgogne-Franche-Comté

Le groupe de Chercheurs-Concepteurs de la recherche ANR CARAVANE est composé de :
Aline Chassagne, maître de conférence Sciences infirmières UFC ; Hélène Trimaille, Thèse ED ES UFC ; Camille Ravat, Infirmier en Pratique avancée UFC ; Régis Aubry, médecin chef du département douleurs – soins palliatifs CHU ; Alexandre Moine, géographe, UFC, Théma Justine Grosperrin, socio-anthropologue CHU Besançon ; Valérie Chartier, architecte, Maison de l’Architecture de Franche-Comté ; Lucile Anderson, urbaniste Hôp Hop Hop ; Marie-Catherine Ehlinger, représentant usagers France Asso Santé ; Juliette Duraffourg, Pôle de Gérontologie et d’Innovation BFC ; Yoshimasa Sagawa, maître de conférence Kinésithérapie UFC ; Peggy Arnaud, Maison des Séniors Mairie de Besançon ; Léontine Perrey et Geoffroy Antonietti, Néolia ; Maxime Larique, Lucien Seichepine et Jeanne-Cécile Jaulmes, ingénieurs Ergonome UTBM, ELLIADD-ERCOS ; les élus de quartiers, Mairie de Besançon et les habitants des quartiers Palente-Orchamps, Planoise et centre ancien.