Rencontre inaugurale avec Julien King-Georges.
En prélude à l’exposition « Petites Architectures dans le grand paysage », Julien King-Georges vous convie à un temps d’échange autour de son travail, de son expérience, de ses ressources. Architecte-plasticien, il est également le réalisateur du documentaire « Quand l’écologie sort du bois », un « film d’éveil » autour de l’arbre.
» Je viens à votre rencontre le 12 avril.
… Auprès de mon arbre, je vivais heureux,
J’aurais jamais dû le quitter des yeux….
Je vous entends chanter, je vous vois dodeliner, swinguer, vous gens de Besançon, enfants du Doubs. Je viens à votre rencontre vous parler des arbres, du paysage, de l’arbre habitat, de la construction. Pendant que vous chantez la chanson de Brassens, moi, j’ai la fleur d’exil qui éclot dans mon cœur, car j’ai quitté l’arbre de mon enfance, le manguier, pour la dentelure des sapins des Vosges. Alors chaque fois que je parle de l’arbre, cette chanson me vient à l’esprit et les souvenirs du paradis troqué aussi.
Les hommes plantent, vénèrent et abattent les arbres. Savez-vous pourquoi ? Moi je le suppose.
Je suis né à Douala au Cameroun, dans cette partie du monde, on dit que les êtres humains sont faits de chair et de bois, et que les arbres sont des êtres vivants comme vous et moi, ils méritent notre respect et notre attention.
Donc, les arbres parlent, mangent, ont des sauts d’humeur, font des bébés…… Ils ont des mœurs différentes selon les espèces, les milieux, la géographie.
Il y a tant de choses à dire sur les arbres, tant d’histoires et d’usages, tant de coutumes selon les pays, les endroits du monde.
La terre est monde, notre monde est un arbre et nous vivons sous sa ramure. Donc préservons l’arbre, les arbres, tous les arbres du monde ? Pas tout à fait. Car moi, j’en ai grandement besoin pour construire les petites architectures dans le grand paysage. Je vous promets, je prélèverai juste ce qu’il faut pour mes constructions, comme le font les pygmées -les grands hommes de petite taille- dans la forêt équatoriale.
Là, il y a une source de discordes. Quels sont les arbres à prélever, à préserver ? Les écologistes nous le diront, puis, les antagonismes naîtront, le monde économique tentera d’emporter la mise ; et la démocratie, les peuples dans tout ça ?
Le film d’Eric Rohmer, l’arbre, le maire et la médiathèque, nous raconte le conflit entre une partie des habitants d’un bourg de Vendée avec leur maire, au sujet de la construction d’une médiathèque. Pour réaliser ce projet, il fallait abattre un arbre majestueux, perturber- profaner- le paysage. Ce film date des années quatre-vingt et il nous parle encore aujourd’hui. Si un jour vous avez l’occasion, n’hésitez pas à le revoir.
Lors de notre rencontre, je vous parlerai de l’arbre habitat. Les forestiers utilisent ce terme pour distinguer au moment du martelage, les arbres qui accueillent la biodiversité -les insectes, les oiseaux et autres espèces vivantes- des autres à prélever. Puisque nous nous réunirons dans la Maison de l’Architecture, nous parlerons aussi de nos manières contemporaines d’habiter la terre, face aux enjeux de la transition écologique et le changement climatique.
Je vous dirai ce que je sais des arbres de là-bas, et vous ceux d’ici. Nous échangerons sur nos expériences.
Je vous raconterai amoureusement, passionnément, mon expérience de réalisation des Petites Architectures Dans le Grand Paysage. Nous nous désaltérerons. Nous ferons un peu plus connaissance.
Je viens vers vous avec cette chanson de Brassens en tête, mais aussi, la planète bleue de Nougaro, le petit jardin de Dutronc et bien d’autres encore. Je viens vers vous avec des fragments de poèmes, des contes et légendes du monde sur la forêt, le paysage, la nature, les manières d’habiter la terre.
A pas légers, je flâne en suivant le cours tortueux du Doubs, en attendant le moment de notre rencontre.
Take care
Friendly to all of you. »
Thaon, le 5 mars 2022, 7 h 40
Julien King-Georges architecte dplg- plasticien.