Le Mzab

Récit de voyage dans une oasis singulière, habitée par une communauté de bâtisseurs

par avec Ahmed Merghoub, sociologue, directeur de théâtre, natif du M’zab.

 

 

« Âgé de douze ans, j’ai servi de guide à Manuelle Roche, photographe, écrivaine, cinéaste et compagne de vie d’André Ravéreau.
Au début des années soixante, tout de suite après l’indépendance de l’Algérie, elle découvrait le M’zab. Avec ses appareils photos, elle passait ses journées à arpenter les sentiers de la vallée. Palmeraies, ruelles des cités, places des marchés, maisons (lorsqu’elle y était invitée), les lieux de culte, les cimetières… Tout, absolument toutes choses qui pouvaient attirer sa curiosité ou l’émerveiller. Et dans mon souvenir, elle parlait très peu et s’émerveillait beaucoup. Moi, natif du M’zab, indigène, comme on nous désignait à l’époque coloniale, je découvrais mon milieu naturel à son contact, à travers sa curiosité et son émerveillement. Il était rythmé par ses instantanés de prises de vues. À chaque clic et déclic de ses appareils photos, une lumière s’allumait dans ma tête et une carte postale valorisante de mon « bled » y apparaissait.

De ces photos, elle en a fait un livre, ensuite un documentaire.
Et moi, au fur et à mesure, je prenais conscience des repères et des richesses qui faisaient mon identité.

Par ma proximité avec le couple Manuelle Roche – André Ravéreau et Maya leur fille, petite à l’époque, je devins un familier du milieu des architectes et des urbanistes. Un milieu exclusivement occidental. Une relation contrastée, comme dans une photo « noir et blanc », enrichissante et bienfaisante, m’éveillait intuitivement à une discipline, l’architecture ou l’art de réfléchir et de concevoir des habitats. Discipline qui s’enseignait, qui se pratiquait comme profession, en tant que telle. Elle était étrangère à ma culture de mozabite, où bâtir est une oeuvre collective (‘twiza) dirigée par un maître maçon, détenteur humble d’un savoir-faire qui se transmet de génération en génération.

C’est à travers ce parcours initiatique que je vous raconterai le M’zab, le mien, pas celui d’un chercheur universitaire anthropologue ou d’un sociologue.
Je vous parlerai du mythe du M’zab et de ses réalités, avec ma subjectivité toute assumée. J’aborderai l’histoire de cette communauté et la géographie de ses territoires. Je m’attacherai à vous parler des traditions et des évolutions de l’architecture et de l’urbanisme avant l’indépendance et après l’indépendance de l’Algérie, l’effet Ravéreau et son atelier du M’zab, avant, pendant et après. Son impact sur l’esthétique des intérieurs et des extérieurs, les débats et controverses qui ont jalonné cette période. »