Exposition de Sabien Witteman
Inauguration jeudi 20 mai à 18h dans le respect des mesures sanitaires en vigueur
La série « Street View » de Sabien Witteman inaugure une nouvelle étape de ses recherches plastiques ainsi qu’une approche innovante de la peinture contemporaine dans laquelle elle transpose, au sein du vocabulaire visuel de la photographie numérique, la technique picturale du repentir.
Après s’être consacrée au genre du portrait afin de livrer une représentation ironique et sarcastique des hommes politiques, elle analyse désormais la notion d’espace public au sein du paysage urbain. La série « Streetview » s’inscrit dans la continuité des préoccupations de l’artiste centrées sur l’exploration des collusions et collisions entre peinture et photographie en conjuguant retranscription d’un cadrage, représentation circonscrite au sein d’un écran, effets picturaux de transparence et d’effacement mais aussi affirmation d’une démarche artistique centrée sur la dénonciation d’une société dysfonctionnelle.
Sabien Witteman procède en deux temps. Elle commence par effectuer ce qu’elle décrit comme des ’’balades’’ sur google map durant lesquelles elle observe puis sélectionne, pour leur étrangeté, des photographies de villes. Ce qui constituera le fond de son intervention picturale consiste donc en une version Big Brother du paysage urbain. En plus de se glisser dans des interstices qui ne retiendraient l’attention d’aucun photographe, la caméra de google map génère toutes sortes de déformations. Sur ce fragment d’une réalité difforme, Sabien Witteman s’attelle à produire une seconde forme de perturbation du réel en réservant, à l’ensemble des composants de ces ’’street views’’, les différents traitements picturaux du repentir : certains sujets ou zones de la photographie numérique sont peints selon leurs tonalités originelles afin de rehausser leur visibilité, d’autres par application de couches successives d’une peinture transparente signalent l’existence fantomatique de certains éléments urbains.
La superposition discontinue de ces deux types de langages visuels affirme l’atypie d’une indifférenciation entre peinture et photographie. L’association d’un réalisme défaillant à la déstabilisation initiée par cette représentation d’une nature plastique non identifiable, provoque le surgissement d’un univers déconcertant, incohérent, discordant.
Avec la série « Street View » Sabien Witteman dévoile une manifestation hybride, troublante du paysage urbain, une image palimpseste dans laquelle s’entremêlent naturalisme et falsifications visuelles.
Sur le plan pictural, on songe à Edward Hopper face à ces scènes urbaines déshumanisées conciliant tonalités verts jaunes et pâleurs mais aussi aux déformations physiques de Francis Bacon, aux architectures surréalistes de René Magritte et Giorgio De Chirico ou encore au travail de retranscription des effets de la vitesse sur les objets développé par les peintres futuristes.
Dotée d’une véritable nature cinématographique – les photographies numériques proviennent de captures d’écran réalisées à partir d’images filmées par une caméra – cette série convoque notamment les cadrages architecturaux anxiogènes d’Alfred Hitchcock et la dimension fantastique déployée par David Lynch, basée sur une exacerbation ponctuelle des déficiences du réel.
Cécile Desbaudard, 2019
Sabien Witteman est née en 1960 aux Pays-Bas. Elle est issue d’une famille d’artistes (musiciens, compositeurs); son grand-oncle le sculpteur Mari Andriessen, était une artiste renommé au Pays-Bas. Dès l’enfance, Sabien montre un intérêt et des dispositions pour le dessin et la musique. Après son baccalauréat, elle se partage entre les deux. Dans les années quatre-vingt Sabien officie en tant que batteuse au sein du groupe Néerlandais underground «The Ex»; punk-rock expérimental, diffusion internationale, toujours en activité.
Après une période de voyages (Europe, Afrique, Asie), elle s’installe à Paris et décide de se consacrer à la peinture. Elle suit alors les cours au Louvre où elle apprend la technique des glacis des maîtres anciens, et travaille parallèlement dans des ateliers d’artistes contemporains. Durant cette période, elle réalise une série de toiles, mettant ses personnages dans des positions qui ne sont pas sans rappeler l’absurdité de la condition humaine vue par Kafka ou Francis Bacon.
En 1993, Sabien s’installe en Bourgogne où elle vit et travaille. Elle travaille alors sur de nouvelles expérimentations de techniques et de couleurs, mais toujours sur le même sujet : l’homme et sa nature profonde.
Depuis 2004, elle porte un regard sur ceux qui détiennent le pouvoir et produit plusieurs séries de travaux sur ce thème, intitulés: «Les Hommes d’Affaires» 2005-2008 «Give me a break 2008-2010 et «Cheese» 2010-2013. Ce sujet n’est pas anodin, car elle a plusieurs fois dans sa vie eu l’occasion d’être confrontée à cette classe sociale, d’une part par le biais de jobs « alimentaires » et d’autre part de par sa propre histoire familiale, son grand-père qui était ministre des affaires intérieurs aux Pays-Bas dans les années cinquante.
En parallèle à ses expositions, elle réalise également des peintures murales, des portraits et des prestations «Livepaintings», au cours desquelles elle peint en direct devant un public. La musique est toujours demeurée vivante en arrière-plan dans sa vie, et récemment, avec une nouvelle inspiration, Sabien est retournée vers la passion de sa jeunesse (accordéon, chant, batterie). Avec son compagnon Patrice Ferrasse (plasticien également), ils ont crée le duo «ERWTENSOEP». (www.erwtensoep.fr)
Plus d’informations : sabienwitteman.com