Laissés–pour–compte. Cette dernière édition complète la série constituée des trois ouvrages CTZ, produits par l’atelier Canal et ses nombreux contributeurs. Son contenu rassemble investigations et témoignages sur ce que l’on nomme communément les « laissés-pour-compte ». Si cette expression évoque d’emblée une marchandise dont on refuse de prendre livraison, un objet resté en stock faute de preneur ou un sujet auquel on apporte peu de considération, elle se prête aussi à d’autres interprétations dans la perspective de notre veille climatique. Constituant des réserves foncières, situées entre sols artificiels, enclaves souillées et terres meubles, le plus souvent périphériques aux villes, masquées parfois au cœur de la cité, ces terrains engourdis encerclant des architectures figées sont repérées comme sources vives pour les enjeux métropolitains de demain. Zones d’activités dépourvues d’usages, fabriques abandonnées pour banqueroute, centres commerciaux vidés de leurs consommateurs, infrastructures inachevées… ces paysages spontanés, dont personne ne prend soin (c’est parfois heureux), ont l’intérêt de former des réservoirs de biodiversité pour leurs voisins et vocation à revitaliser les lueurs éteintes de cités fantômes. Sur les étendues nappées de sols étanches, mais aussi sous les décharges d’immondices, on sait reconquérir la fertilité des terres, réinventer des systèmes construits, faire coexister cadres réglementaires et programmations insolites, initier des dispositifs sociaux inventifs. Sous les charpentes d’un arsenal désaffecté, d’un garage obscur, d’une caserne endormie, on sait capturer la lumière naturelle, renverser les contraintes, maitriser les volumes, l’énergie et les dépenses. Sources d’imaginaires et de spéculation, ces derniers « refusés » seront prochainement pris d’assaut par le galop de la planification territoriale. Comment influencer leurs futurs récits sans effacer leurs mémoires, sanséclipser leurs portées mentales ?